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Avis d’experts 6 décembre 2011

Le trou du FOREC ? Dans la Sécu !

Sous l’apparence d’une boutade grivoise, ce titre difficilement compréhensible pour un non-initié, concerne pourtant la totalité de la population salariée française.

Aussi, si vous n’avez pas compris, ne vous inquiétez pas, c’est normal ; d’autres s’en sont occupés pour vous.

La Sécurité sociale, vous connaissez ? Mais quelle est au juste son histoire ?

C’est un haut fonctionnaire français nommé Pierre Laroque, rentré de Londres en juin 1944 avec le Général de Gaulle, qui prendra une part considérable dans la rédaction des ordonnances fondant et organisant la Sécurité Sociale.
Pierre Laroque connu comme le père de la Sécurité Sociale avait été à Londres, l’un des premiers à suivre la mise en place du plan Beveridge, qui créait les assurances sociales britanniques.

Le contexte de mise en place de la Sécurité sociale était celui d’une situation d’après-guerre dans laquelle des acteurs devaient répondre à un objectif de justice sociale. La Sécurité sociale française est donc un ensemble de dispositions légales qui garantissent les seuls assurés sociaux, et leurs ayants droit, contre certains risques sociaux.

La Sécurité Sociale de décompose à ce jour en quatre branches qui sont :
- La maladie (maladie, maternité, invalidité, décès) ;
- La branche accidents du travail et maladies professionnelles ;
- La vieillesse et veuvage (retraite) ;
- La famille (dont handicap, logement...).

En 1945, son financement reposait dans une logique bismarckienne sur le monde du travail. Il apparut logique qu’en vertu du principe « qui paye gère » les syndicats salariés et patronaux cogèrent les différents systèmes de protection sociale. C’est alors que le paritarisme prit son essor avec à sa tête un conseil d’administration formé par les
syndicats qui sont à ce jour : Cgpme, Upa, Medef ; Cgt, Cfdt, Cftc, Cgt-Fo…

Comment mettre en place les 35h sans augmenter les prélèvements ?

Pierre Laroque, l’heureux homme, s’est éteint le 21 janvier 1997 à l’âge de 90 ans ayant échappé de justesse au plus grand holdup de « son oeuvre » par l’Etat français.
En effet, en octobre 1999, le Gouvernement réfléchissait au moyen de violer la constitution, en opérant des « prélèvements de droits divin » sur les régimes sociaux.
L’équation improbable de Lionel Jospin devant faire face à ses promesses électorales : comment mettre en place les 35h sans augmenter les prélèvements ?

Tout est possible ! Mais comme le disait le visionnaire bien connu, Coluche : « mettez un énarque dans le désert... au bout de trois mois il demandera une subvention pour acheter du sable »
Ainsi allait se construire une usine à gaz qui porte bien son nom : le FOREC, qui signifie, Réforme des cotisations patronales de Sécurité Sociale. Mais qui se traduit dans les faits par « FORage dans la sECu ».

Ce qui va pousser le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque à démissionner, un certain DSK ! c’est pour dire …
Il refile la patate chaude à Martine Aubry. Les partenaires sociaux ont réaffirmé en juillet et en septembre 1999 leur opposition à cette contribution. Ce qui va conduire le patronat à quitter les instances, laissant ainsi la ministre triturer la comptabilité nationale sans
vergogne.

Avant 1989, les soldes de la Sécurité Sociale se trouvaient à l’équilibre. Les années qui vont suivre seront déficitaires. Mais par miracle, en 1999, 2000 et 2001 les comptes sociaux font apparaître un excédent.
Que c’était-il passé ?

La cours des comptes, un peu désorientée par ce résultat positif inhabituel, va rendre un rapport en septembre 2001 qui en dit long sur la situation : « L’évaluation du résultat reste affectée d’une grande incertitude. Les difficultés liées au FOREC (qui regroupe et finance diverses exonérations de charges sociales, notamment celles liées à la réduction de la durée du travail), et surtout le fait que l’établissement chargé de sa gestion n’ait pas encore été créé, ont obscurci la
signification des comptes pour 2000. Compte tenu de la décision du gouvernement de ne pas faire couvrir par l’Etat le déficit du FOREC, contrairement aux choix initiaux, celui-ci doit être considéré comme définitivement à la charge des régimes sociaux.
 »

Voici l’explication schématisée d’une véritable usine à gaz : Le FOREC !

- CNAMTS : Caisse Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
- FSV : Fonds de Solidarité Vieillesse
- CNAF : Caisse Nationale des Allocations Familiales
- FASTIF : Fonds Action Sociale des Travailleurs Immigrés
- ARS : Allocation Rentrée Scolaire.

L’idée initiale était de respecter formellement la loi du 25 juillet 1994 qui a posé le principe d’une compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales décidées par l’Etat, mais de la violer en réalité.

Pour ce faire, la sécurité sociale devait verser une contribution à un fonds
chargé de lui compenser intégralement ses pertes de recettes. C’est de cette idée lumineuse qu’est né le FOREC !

Peu importe que la théorie des retours s’appuie sur une« démonstration » mathématique obscure et contestable, dont personne n’est réellement dupe. La réalité est plus prosaïque :

Le plan de financement du FOREC présentait initialement une structure à sections a priori « étanches » mais la loi de financement de la sécurité sociale, devenue « loi de financement des 35 heures » a été détournée de son objet initial ; le résultat est éloquent : la sécurité sociale finance à 75% le coût des 35 heures.

En ce qui concerne le coût des allégements, le dernier chiffre précis disponible remonte à 2002 : il s’élevait à 11 milliards d’euros. L’année suivante, les réductions de cotisations ont été étendues à l’ensemble des entreprises, alors qu’elles étaient réservées jusqu’alors à celles qui avaient signé un accord de RTT agréé. Résultat : la masse des
allégements dits "généraux" a bondi en 2003 à 16 milliards et s’établissait à 19,5 milliards en 2006, sous la double influence de la progression du Smic (les allégements augmentent au même rythme que le Smic, puisqu’ils sont fixés en proportion de ce dernier) et de la multiplication des emplois rémunérés à des niveaux proches du Smic.

La sécurité sociale finance à 75% le coût des 35 heures

Toujours est-il que le coût brut par emploi créé est estimé à environ 25000 € en 2006.
L’État prend fréquemment des mesures qui ont un impact sur les organismes de sécurité sociale, directement (par la réglementation) ou indirectement (via la situation économique). Il lui arrive fréquemment de reconnaître ce fait, et de calculer lui-même l’effet financier, mais en le faisant à sa façon. En outre, une fois le calcul théorique effectué, il estime souvent qu’il n’y a pas lieu de refaire le calcul si le résultat pratique
semble différent (semble, parce que la complexité de la tuyauterie du FOREC qui entre en jeu interdit en pratique de quantifier l’effet d’une mesure précise).

Le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales en juin 2011 diffusé par le ministère du budget chiffre quant à lui à plus de 10 milliards d’euros la somme des mesures d’exemption et de dégrèvement de cotisations sociales décidées par l’Etat, et officiellement non compensées, pour l’année 2011.

Cette somme non versée, revenant de plein droit aux organismes sociaux, creuse leurs déficits et les pousse d’années en années à plus d’endettement.

Certains auteurs, chiffres à l’appui, démontrent que ce qui est convenu aujourd’hui d’appeler "la faillite du modèle social Français" est en fait la conséquence directe de cette pratique étalée sur des années.

Si Pierre Laroque est resté dans la mémoire collective comme le “père fondateur” de la Sécurité sociale, il ne faudra éviter d’évoquer le « Forec » dans nos manuels d’histoire, mais c’est déjà prévu !

JM Vézinat, Vice-Président de la CGPME des Deux-Sèvres

A lire en complément sur le site du Sénat : cliquez ici

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