Accueil > Actualités > Grippe porcine, un éleveur de la Vienne réagit : "Ne faisons pas la courte (...)

Actualités 5 mai 2009

Grippe porcine, un éleveur de la Vienne réagit : "Ne faisons pas la courte échelle au virus !"

Grippe porcine : ne faisons pas la courte échelle au virus !

"En ces temps de psychose collective largement relayée et amplifiée d’une manière systématique par le tambour médiatique, il me semble utile sans usurper le rôle du monde scientifique et médical de rappeler quelques évidences.

Pour nous, éleveurs, la grippe porcine se comporte comme la grippe humaine : une bonne toux, de la fièvre, le nez et les yeux qui coulent, une baisse de tonus, et puis ça passe, sauf si complications. Au bout de 48 heures, les animaux guérissent naturellement du virus. Dans certains cas, le virus passe même inaperçu. Cela fait partie de notre univers quotidien où s’affrontent silencieusement bactéries, virus et germes d’un côté, globules blancs et anticorps de l’autre.

Nul ne peut nier que ces combats font parfois des blessés voire des morts -chez les animaux et les hommes- mais le simple fait que les animaux (et les hommes) ont jusqu’à aujourd’hui toujours survécu, montre que les défenses naturelles sont toujours restées jusqu’à ce jour les plus fortes !

Face à ce nouveau risque de pandémie, il n’est pas inutile de regarder et d’analyser ce qui s’est passé dans des crises ayant des caractéristiques similaires. La grippe aviaire par exemple : il est frappant de constater que le démarrage de cette épidémie s’est concentré dans les pays en voie de développement (Philippine, Vietnam, tout comme pour le Mexique avec la grippe porcine) où aucune règle d’hygiène n’est respectée (gestion des déjections, consanguinité des reproducteurs, alimentation déséquilibrée, eaux souillées, quand ce n’est pas vie commune sous le même toit entre animaux et populations).
Nous ne sommes pas alors dans une activité d’élevage mais plutôt dans une relation de promiscuité entre animaux élevés dans de très mauvaises conditions et êtres humains tentant de survivre avec les moyens du bord.

De l’autre côté de l’échelle de l’humanité, les animaux sont devenus des « coureurs cyclistes » avec eux aussi les accompagnant, le cortège des dopages sous toutes ses formes (hormonal, alimentaire rythme de croissance effrénée, antibiotique, habitat concentrationnaire etc).
Dans un premier temps, il pourrait être tentant de penser que ces animaux sont à l’abri des attaques virales ou infectieuses par notre savoir-faire technique et notre évolution du savoir.

Pourtant, une caractéristique de ces élevages modernes fragilise considérablement cette certitude : la concentration. Et qu’est-ce que la concentration si ce n’est soumettre de force un animal à être en contact avec un nombre de congénères (forcément porteur d’un équilibre microbien différent) énormément plus important qu’à l’état naturel : où peut-on voir dans la nature un rassemblement spontané de 20 000 poules pondeuses ou 5 ou 10000 truies si ce n’est dans les bâtiments modèles conçus par les cerveaux de nos plus grands ingénieurs et zootechnicien…

Nul ne peut nier (et on peut le constater avec le démarrage en fanfare la grippe porcine aux États-Unis) que la concentration est une aubaine pour un virus.

Mon propos n’est pas de revenir à une société pastorale où poules, cochons, vaches et moutons parcourraient librement la campagne au gré de leur fantaisie, l’élevage tout comme l’agriculture est une science exigeante qui puisse ses racines dans des siècles d’expérience accumulée au fil du temps.

Nul ne peut nier aujourd’hui que sous couvert de progrès la machine s’est emballée au détriment de la santé naturelle des animaux. L’avenir demandera un arbitrage plus raisonnable entre modernité et tradition, en revenant par exemple à des dimensions d’élevage plus raisonnables, des rythmes de croissance et des modes d’habitat et d’alimentation plus conformes à ceux pour lesquels l’animal a été créé.

Un animal heureux (dans son alimentation, dans son habitat, dans son rythme de croissance) est de toute évidence l’animal qui a le plus de chances d’affronter victorieusement une attaque virale ou une infection. Refuser de poser ce principe comme la pierre angulaire de ce que devrait redevenir notre agriculture nous condamne à tenter de nous protéger (dès que le journal télévisé nous en donnera l’ordre) avec un dérisoire masque facial en attendant l’avènement d’une chimérique aire où l’orgueilleuse science humaine aurait par aseptisation générale de la planète éradiqué à tout jamais de l’humanité le risque viral…"

Vincent Pécot
Eleveur de porc, volaille et vache limousine à Champagné St Hilaire.

Crédits photos : 2 premières photos : Vincent Pécot ; Porcelets : Eric Chauvet



Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.