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Avis d’experts 12 janvier 2014

Concordia, un destin annoncé, par Alain Bidard, expert en gestion de crise

Dirigeants, vous savez que les études statistiques sont sans ambiguïté :
- une PME-PMI connaîtra un évènement existentiel en moyenne une fois tous les dix ans.
- les PME-PMI appréhendent bien leurs risques métier mais ne s’intéressent pas aux autres. Or, ces derniers les toucheront avec une plus forte occurrence.
- 90% des déclenchements d’évènements majeurs sont d’origine humaine.

Un retour d’expérience sur le naufrage du Concordia vous permettra de tirer quelques conclusions pratiques pour intégrer pleinement la culture de crise dans votre stratégie.

Pourquoi et comment ce drame a-t-il pu se produire ?

Alors que la société Costa croisières est reconnue dans son domaine. Alors que la formation des commandants de navire est globalement jugée de très bonne tenue. Alors que tous les moyens de sécurité et de survie étaient a priori en place et vraisemblablement vérifiés à bord du bâtiment.

Vous le savez déjà, l’explication ne s’appuie jamais sur une seule origine, mais s’explique par la convergence ponctuelle de plusieurs, comme ce soir du 13 janvier 2012 :

1. Un état d’esprit décalé :

Comme d’habitude, la routine est cadencée dès l’appareillage. La croisière, sur le même circuit hebdomadaire, traversera ou longera les mêmes lieux. La fête est immédiatement entretenue pour les passagers qui ont investi pour leur plaisir. Le Commandant se livre, un peu plus près des côtes que d’ordinaire, à l’incontournable "inchino", sorte de salut aux habitants du rivage. Il naviguait certainement à vue. Même si on connaît parfaitement les lieux, on ne se permet pas ce genre d’attitude avec un navire quel qu’il soit.

Est-ce pour cela que les alertes sonar n’ont pas été interprétées à leur niveau ? Est-ce à cause de cela que les signes précurseurs n’ont pas été perçus ? A-t-on oublié les risques pourtant bien connus ?

Manifestement, la culture de crise n’existait pas à bord.

2. Le déni de l’accident :

Cet accident ne pouvait se réaliser avec un paquebot de ce type ! Avec un commandant de ce niveau ! Ce chef refuse toutefois de reconnaître sur le moment l’importance de la brèche. Il livre même aux passagers des messages rassurants qui attiseront ultérieurement la panique générale. Il lui faudra presqu’une heure d’hésitations pour décider l’évacuation.

Personne n’était prêt pour cela, tous se sont entièrement dédiés à la manœuvre technique brutale et non à la vision stratégique. Ils ont du subir un black-out consécutif au choc avec le rocher. On peut alors se poser la question de la qualité de la formation obligatoire ?

A bord, le résultat est probant : on ne s’attaque pas au problème, on l’esquive. Or le temps est un paramètre essentiel en gestion de crise. A trop tarder, on perd beaucoup de solutions efficaces.

3. La surprise et les peurs :

Personne ne semblait avoir imaginé ce scenario. L’angoisse est alors à son paroxysme, cas général d’une équipe non préparée. La peur et le stress apportent la pression qui annihile la pensée, le travail d’équipe et la prise de décisions cohérentes. Les décisions absurdes prennent la place et amplifient les dégâts.

4. Le manque de pratique :

Le retour d’expérience a mis en exergue de grosses lacunes en formation à la gestion des situations d’urgence.

Dans toute catastrophe de ce genre, la communication devient immédiatement problématique. En temps normal à bord, l’anglais s’impose et ce n’est déjà pas simple. Mais, dans l’action et sous la pression, se faire comprendre et donner des ordres à des passagers qui ne parlent pas obligatoirement la même langue devient impossible. On ne peut "se parler" que par gestes entre personnes de plus de 30 nationalités et 8 langues différentes.

L’évacuation a finalement débuté sur l’initiative de quelques membres d’équipage un peu perdus. D’où la cacophonie en totale absence de coordination ! De nouvelles normes ont depuis été mises en vigueur, obligeant notamment un plus grand nombre d’exercices d’évacuation pour les équipages et une simulation d’évacuation pour les passagers.

5. La valeur des chefs :

En temps de crise, les personnes impliquées perdent toute référence de bon sens et de dignité. Une véritable formation continue est la seule voie d’acquisition et d’entretien de savoir-être et savoir-faire auxquels se raccrocher spontanément dans l’action.

Le chef reste toujours l’exemple dans sa clarté d’expression, le ton de sa voix et son attitude. Le commandant a quitté prématurément le navire et seul un membre de l’équipage figure parmi les victimes. Ces faits parlent par leur image désastreuse. Chacun savait individuellement quoi faire et comment évacuer. Collectivement, ils ont échoué à s’occuper de passagers désemparés. Comme le dit l’adage :"si le chef s’assoie, la troupe se couche" !

Le commandant est et restera le "phare" qui éclaire et permet de se repérer. Sa voix est importante car elle rassure, explique et projette l’avenir. Le commandant Schettino n’a jamais fait entendre le son de sa voix, par stress ou reconnaissance de son incompétence ponctuelle ?

Vous l’avez compris, le dirigeant d’aujourd’hui doit être visionnaire et exemplaire. Il ne s’agit pas pour lui, de savoir si la crise interviendra (car elle interviendra), mais :
- d’imaginer tant que faire se peut la forme qu’elle pourrait prendre,
- d’essayer d’en percevoir les prémisses,
- de désigner et de préparer les hommes qui y feront face pour la survie et le rebond de leur entreprise.

Ne sont-ce pas là des caractéristiques de vrais leaders aux commandes ? D’expérience, je peux vous le confirmer. Mais, vous le saviez déjà.

Alain Bidard
AB Conseil Expertise - Anticipation et gestion de crises
49, avenue des Salines - 17 880 - Les Portes en Ré
Email : alain.bidard@abconseilexpertise.fr



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