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Communiqués 6 juillet 2012

05/07 Xynthia, la Chambre régionale des comptes s’exprime suite à la publication du rapport de la Cour des Comptes

La Cour des comptes et les trois chambres régionales des comptes de Pays-de-Loire, Poitou- Charentes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont conduit une enquête sur « Les enseignements à tirer des inondations de Xynthia et du Var en 2010 ».
Pour les besoins de l’enquête, la Chambre régionale des comptes a examiné la gestion de plusieurs collectivités et établissements de Charente-Maritime : le département, le SDIS, le syndicat mixte pour la mise en valeur des marais de Charente-Maritime, les communes de Fouras et de Port-des-Barques et leur CCAS, la commune de Charron.
Cette enquête a donné lieu au plan national à un rapport public thématique présenté le 5 juillet 2012 par le premier président de la Cour des comptes, accessible sur le site de la Cour des comptes www.ccomptes.fr.

Quelques illustrations de ce rapport concernant plus particulièrement la Charente-Maritime sont présentées ci après.

Les considérations générales sur Xynthia

La tempête Xynthia a atteint les côtes françaises dans la nuit du 27 au 28 février
provoquant une submersion marine, brutale et étendue.
Le bilan humain a été très lourd : 64 personnes décédées dont 12 en Charente-Maritime.
Le bilan matériel a aussi été très important : 4 800 habitations inondées, 120 km de côtes endommagées, 40 km de voies départementales inondées et des dégâts importants sur la voie ferrée La Rochelle - Rochefort.

Le coût financier lié à Xynthia est très important. Les dépenses publiques totales nettes (Etat, collectivités locales, communauté européenne) s’élèvent à 457 M€ et les indemnités versées par les assurances à 690 M€ pour les conséquences des inondations (régime des catastrophes naturelles).

Les principaux enseignements que tire le rapport de la Cour

La tempête a touché :
- un territoire vulnérable : 463 km de côtes en Charente-Maritime avec les îles (Ré, Oléron, Aix et Madame), formant un vaste cordon dunaire naturel, de côtes endiguées et de plusieurs estuaires. Le relief parfois très plat favorise la présence de nombreux marais sur la façade océanique. Ces côtes sont vulnérables en de nombreux endroits.
L’urbanisation a sensiblement accru les risques et il existe une demande pressante de construire de populations toujours croissantes (+21% en Charente- Maritime depuis 1982 et un million de personnes en période estivale), qui est encouragée par les promoteurs, soutenue par les élus, et insuffisamment maîtrisée par l’Etat. La culture du risque y était très insuffisante avant les crises.

- le système d’alerte aux populations était très imparfait. Il a été amélioré depuis, mais beaucoup reste à faire. C’est essentiel, pour éviter les drames humains, et c’est économique, car un bon système d’alerte peut être très efficace pour un coût limité.
Si, pour Xynthia, Météo France a prévu correctement la surcote, son ampleur a été sous estimée dans le secteur de La Rochelle, où les prévisions l’établissaient entre 0,80 et 1 m alors qu’elle a atteint 1,50 mètre.
En Charente-Maritime, l’alerte des maires a été donnée au niveau rouge par des messages automatiques d’appel et de télécopie des préfectures ; des maires ont également été joints personnellement par des représentants des services de l’Etat.
Quant à l’alerte aux populations, elle a été très insuffisante. Si des maires de Charente- Maritime sont allés prévenir individuellement les personnes les plus exposées, l’absence d’un véritable dispositif d’alerte opérationnel est à déplorer.
A Charron, il se limitait à l’affichage en mairie des bulletins météo, à Port-Des- Barques aucun moyen n’était dédié à l’alerte de la population, et la commune de Fouras ne disposait que d’une sirène sur le toit de la mairie.
Plus globalement, sur 57 communes sur le territoire desquelles un plan communal de sauvegarde (PCS) était obligatoire, seules quatre en disposaient avant Xynthia. A la fin 2011, grâce en partie à l’effort du représentant de l’Etat et de ses services, 25 en étaient dotées.

- Avant la crise, l’Etat a souvent fait preuve de faiblesse face aux projets de construction dans les zones inondables.
Sur la côte, certaines zones de solidarité ont montré leur dangerosité au moment de la catastrophe, en raison de l’ampleur du phénomène de submersion. A titre d’exemple, à Aytré, le phénomène de cuvette dans la zone construite juste avant la plage, était parfaitement identifié.

- De façon générale, les préfets ont été laissés trop seuls face aux pressions locales sur les dossiers d’urbanisme en zone dangereuse. Il faut que la volonté du gouvernement, tel que cela est apparu dans certains domaines depuis les crises, s’exprime clairement et qu’elle se maintienne dans la durée.
Dans la période 2004 à 2009, moins d’un acte d’urbanisme sur 150 en Charente- Maritime fait l’objet d’une lettre d’observation du contrôle de légalité. Le nombre de recours est d’une extrême faiblesse : 20 recours pour plus de 150 000 actes reçus en Charente-Maritime.
Le plan de prévention des risques inondation (PPRI), prescrit par le préfet, est un document opposable pour les autorisations de construire. En Charente-Maritime, les PPRI ont surtout concerné la moitié Sud du département, où la tempête de 1999 a fait le plus de ravages. Ainsi, dans la partie Nord, où se situe la commune de Charron, le PPRI n’était pas prescrit.
L’Etat, à travers son représentant, le préfet, n’a pas toujours su résister aux pressions des élus et a généralement accepté un allongement excessif des procédures.

- La politique vis-à-vis du bâti existant dans les zones inondables souffre de nombreuses incohérences
Certains équipements ont été localisés ou construits sans prendre en compte le risque réel de submersion marine. Ces situations représentent des coûts supplémentaires quand il faut relocaliser les bâtiments ailleurs. En Charente-Maritime, trois centres de secours ont été inondés, à Rochefort, Ars en Ré et Saint-Trojan-les- bains, celui de Rochefort ayant déjà été inondé en 1999. Sa reconstruction coûterait entre 4 et 5 M€, et celle du centre de secours de Saint-Trojan-les-bains, en zone de solidarité, est estimée entre 1,5 M€ et 2,1 M€.
Certains dossiers d’aménagement montrent que le risque de submersion marine était connu avant la réalisation de l’équipement, mais n’a pas été pris en compte.
Il s’agit par exemple de l’installation d’une estacade à Port-des-Barques, première tranche d’un programme plus vaste d’aménagement du front de mer (2,2M€). L’ouvrage sera emporté lors de Xynthia, alors que le risque avait été souligné dans la notice d’impact et que les services de l’Etat, lors de l’instruction, avaient émis des réserves.

Egalement à Port des Barques, une digue de protection d’un peu plus d’un kilomètre sur les bords de la Charente réalisée en 2007, ainsi qu’une écluse électrique (travaux de 2 M€, avec une participation de la commune de 0,3 M€) ont été inefficaces, malgré la hauteur calée sur les plus hautes eaux connues (1999) et supérieure au phénomène d’occurrence centennale.
Ailleurs, l’implantation de certains bâtiments en bord de mer, sans adaptation de la configuration des locaux au risque de submersion marine, a entraîné des charges inutiles.
Tel a été le cas du siège du conseil général de Charente-Maritime à La Rochelle et de la maison de la Charente-Maritime dans le port de commerce de Rochefort, ce qui dans le premier cas a notamment entrainé la destruction de tous les véhicules qui y étaient stationnés. Les permis de construire de ces deux bâtiments ont certes été délivrés respectivement en février 1998 et août 1999, avant la réalisation de l’atlas des zones inondables, entreprise après la tempête de 1999. Ce dernier document n’a cependant pas conduit à la mise en place de mesures de protection telles des portes étanches.
L’atlas des zones inondables réalisé après la tempête de 1999 mentionne pourtant le risque pour les deux bâtiments du conseil général. Depuis un dispositif de barrières étanches et amovibles a été prévu à La Rochelle et est à l’étude à Rochefort. Le coût de remise en état et de rachat de matériel pour ces deux bâtiments peut être estimé à 4,5 M€, les remplacements ayant en partie fait l’objet d’indemnités versées par les assurances.

- Le dispositif de rachat par l’Etat de biens immobiliers dans les zones de grave danger a montré des incohérences : trop grande précipitation dans les départements atlantiques et, à l’inverse, rapidité insuffisante dans le Var ; dans les départements atlantiques, délimitation des zones de solidarité et des zones d’expropriation, qui soulèvent des interrogations ; décisions de rachat amiable dans ces départements pas nécessairement indispensables ; changement dans la stratégie de protection, comme dans l’exemple examiné du secteur des Boucholeurs en Charente-Maritime.
Après la tempête, dans une précipitation certaine, l’Etat a délimité des zones de solidarité sans la concertation suffisante puis, après des travaux complémentaires d’experts et une concertation plus poussée, a délimité des zones d’expropriation mais le contour de ces dernières ne concorde pas toujours (des maisons écartées ou réintégrées) avec celui des premières zones de solidarité définies précédemment.

Plusieurs exemples, le secteur des Boucholeurs à Aytrée et Yves, celui de Boyardville à St Georges d’Oléron, la Pointe de la Fumée à Fouras illustrent ce processus itératif et des décisions contradictoires.
Fin 2011, 458 biens ont fait l’objet d’un accord de vente (292 résidences principales, 163 résidences secondaires, 3 commerces) pour un coût total de 141,8 M€. A la même date, 443 dossiers sont effectivement payés, pour une valeur de 137,7 M€.
Ces rachats ont été effectués sans que l’étude de solutions plus avantageuses financièrement n’ait eu lieu, contrairement aux dispositions du code de l’environnement.
Une véritable politique cohérente reste à définir pour l’ensemble des zones dangereuses sur le littoral français.

- S’agissant des ouvrages de protection contre la mer en Charente-Maritime, la situation à la veille de la catastrophe est très inquiétante : gouvernance très défaillante des digues, mauvais entretien de celles-ci.
En Charente-Maritime, 224 kilomètres de digues sont recensés, dont 135 km se trouvent sur le domaine public maritime.
Une grande confusion règne en effet dans l’identification de leurs responsables. Dans de nombreux cas, le propriétaire de la digue n’est pas connu et, quand il l’est, se montre souvent incapable d’entretenir l’ouvrage, faute de moyens et de volonté. Par delà les propriétaires, les gestionnaires des digues sont également difficiles à identifier. Enfin, sur un même linéaire de digues, la multiplicité des intervenants potentiels crée une confusion rendant difficile, sinon impossible, le bon entretien des ouvrages.
Depuis, des efforts ont été faits par les services de l’Etat, notamment dans le cadre du plan submersions rapides, mais la question de la gouvernance reste à régler.
De 2000 à 2009, la défense des côtes en Charente-Maritime bénéficie de 24 M€, avec une part de 40 % de l’Etat et d’un peu plus de 44 % du conseil général. Après Xynthia, en un peu plus d’une année, 29,5 M€ sont engagés pour la phase 1 des travaux d’urgence et la phase 2 des travaux de consolidation, avec une participation de l’Etat et de l’Europe de plus de 81 %.

CONCLUSION : Conformément à la directive cadre européenne de 2007, une stratégie nationale face aux risques d’inondation doit être définie, en particulier dans les territoires à risque important. C’est en effet une stratégie cohérente, avec des mesures adaptées à chaque zone de risque, qui permettra de progresser.



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